LES MOUCHES (Raymond Queneau) Les mouches d'aujourd'huine sont plus les mêmes que les mouches d'autrefois elles sont moins gaies plus lourdes, plus majestueuses, plus graves plus conscientes de leur rareté elles se savent menacées de génocide. Dans mon enfance elles allaient se coller joyeusement par centaines, par milliers peut-être sur du papier fait pour les tuer elles allaient s'enfermer par centaines, par milliers peut-être dans des bouteilles de forme spéciale elles patinaient, piétinaient, trépassaient par centaines, par milliers peut-être elles foisonnaient elles vivaient. Maintenant elles surveillent leur démarche les mouches d'aujourd'hui ne sont plus les mêmes que les mouches d'autrefois. Un dîner de têtes - Jacques Prévert Le Président parle et le silence est tel qu'on entend les mouches voler et qu'on les entend si distinctement voler qu'on n'entend plus du tout le Président parler, et c'est bien regrettable parce qu'il parle des mouches, précisément, et de leur incontestable utilité dans tous les domaines et dans le domaine colonial en particulier. ![]() LE COCHE ET LA MOUCHE (La Fontaine) Le moine disait son bréviaire :
Le Renard les Mouches et le Hérisson Le Lion et le Moucheron La Mouche et la Fourmi Les Frelons et les Mouches à miel LE JEU DES MOUCHES
Non pas forcer quelque idée, non pas l'étendre encore moins lui trouver sa cage, mais la saisir quand et comme elle passe, poursuivie par une autre.
Prudentes ou imprudentes, imprévisibles, La toile d'araignée planétaire étant, paraît-il, en place, ne perdons pas le contrôle de l'essentiel : la liberté des mouches.
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On a les idées qu'on peut. A défaut de les attrapper au vol, je les chasses distraitement en espérant que, prises, elles soient là-haut gobées vivantes. Je veux dire : selon leur mérite. C'est aussi une manière de passer le temps. (page 15)
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Peut-être vous souvenez-vous que les idées vagabondes se trouvent hors rang, dispersées, bourdonnantes, mouches du coche. (page 17)
J'apprends que Pierre Gascar considérait la mouche "comme le point à partir duquel nos relations complexes avec le monde pouvaient se définir". Je me suis promis d'essayer de le comprendre avant de l'approuver.Dorothy Bussy, en me racontant cette anecdote, se demandait elle-même le sens caché qqu'elle pouvait avoir: "Nous étions, André Gide et moi, en train de bavarder, assis l'un en face de l'autre sur la terrasse de la villa La Souco. A plusieurs reprises j'ai chassé une mouche qui voulait se poser sur mon visage. Gide, soudain, s'arrêta au milieu d'une phrase, et avec une amabilité un peu trop appuyée me dit : 'Je vois que cette mouche vous importune, nous pourrions échanger nos places.'" Peut-être faut-il s'interroger avec plus de sérieux sur l'idée que Gide se faisait des mouches. (page 107)
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Pensées volantes, pensées volées.Combien se sont échappées? Insaisissables, irrécupérables, pour aller vers quoi? venant d'où? Peut-être reviendront-elles, une nuit, par des chemins secrets, pour me narguer. Ce signal insistant des mouches qui passent et repassent et ne sont pas assez folles, assez imprudentes pour se poser. (page 185)
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La liberté des mouches, ce n'est pas un mince problème. Tantôt bourdonnantes, tantôt vrombissantes, toujours imprévisibles, leur vol en zigzag n'est pas sans intentions. D'autre part, est-il un mot plus galvaudé que celui de "libert"? La plus grande catin de l'histoire. Pour que vive la liberté, la monde à dû porter la lumière au plus sombre de ses nuits. Flamme qui éclaire et qui brûle. Il y a même une statue pour le dire.Au vrai, la question n'a jamais été de savoir si les hommes la méritent, mais si les hommes peuvent la supporter. (page 185) extrait de Songs of Experience, Little fly, A fly like thee? Or art not thou A man like me? For I dance If thought is life Then am I Le respect humain La mouche du coche? Ah oui, je l'ai beaucoup connue. "Comprenez-moi, c'est par pudeur, me confie-t-elle. En vérité, j'ai horreur du travail et mon délice est de rêver. Mais dans un monde où chacun se consume à la peine, il serait scandaleux de paraître inactive". Une fête La folle mouche d'octobre Mais elle ne gémit pas _________________________________ Sourire de mouche Une minute en ce monde, D'un bijou sans lendemain On voit aussitôt s'éteindre Quelque dieu d'humeur infecte O le fugitif cortège Mais quels vents inopinés, Le sourire d'une mouche! Toujours ? Non. Jusqu’à ce jour incroyable où la grand-mère Berthe, vieillotte et malade, leur avait susurré placidement : " Ne soyez pas tristes ! Vous verrez, morte, je vous ferai encore des petits signes… Peut-être par une mouche… " Hélène Wascat La mouche n'est pas le plus petit des êtres ailés, si on la compare aux moucherons, aux cousins, et à de plus légers insectes; mais elle les surpasse en grosseur autant qu'elle le cède elle-même à l'abeille. Elle n'a pas, comme les autres habitants de l'air, le corps couvert de plumes, dont les plus longues servent à voler; mais ses ailes, semblables à celles des sauterelles, des cigales et des abeilles, sont formées d'une membrane dont la délicatesse surpasse autant celles des autres insectes qu'une étoffe des Indes est plus légère et plus mlleuse qu'une étoffe de la Grèce. Elle est fleurie de nuances comme les paons, quand on la regarde avec attention, au moment où, se déployant au soleil, elle va prendre l'essor. Tout le texte sur http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Documents/Mouche--Eloge_de_la_mouche_par_Lucien
Un an après la mort dOrsolamano, retournant sur ce lieu où il avait été tué et enseveli au hasard, quelques hommes allèrent dun commun accord ouvrir la sépulture parce quon disait quil y avait vraiment le démon. Quand elle fut ouverte, ils ny trouvèrent ni chair ni os, comme sil ny avait jamais été enterré. De la sépulture, il sortit seulement un grosse mouche de la taille dun frelon, et cette mouche volait autour des hommes qui avaient ouvert la sépulture en faisant un bruit semblable à celui des grosses mouches. Ensuite elle séloigna dans les environs, et tous les humains, de même que les animaux, mâles et femelles, mouraient aussitôt. Cette mouche grandissait et au bout de dix ans, elle devint de la taille dun boeuf, de sorte quelle ne pouvait plus voler, et de son souffle elle empoisonnait les personnes qui par malheur sapprochaient delle et partout où elle se trouvait, il en était de même pour toute chose vivante. |
Quel est donc cet animal étrange, insaisissable, qui virevolte autour de nous, nous assourdissant de son vrombissement monotone et qui semble pourtant aigu à nos oreilles ? Se peut-il qu'il soit aussi cet instrument de séduction usé par les femmes il y a quelques siècles ? Quel rapport entre cette forme aux mille figures, aux mille yeux, et cet artifice précis, dessiné avec dextérité au creux d'une fossette, sur la joue fardée ou à la naissance du sein pour attirer le regard masculin ? Les deux mouches ont en commun cette aura insaisissable, cette idée de l'inaccessible et pourtant toujours présent qui hante l'esprit, le mange, le hante sans relâche jusqu'à rendre fou le pauvre hère qui s'égare à lui concéder quelques secondes d'inattention. Le regard s'égare sur la mouche féminine, l'oreille prête son pavillon aux vrombissements de la bête et le sort est jeté, les jeux sont faits. Il ne reste plus alors qu'à effacer cette marque obsédante qui s'impose à chasser la mouche, l'écraser contre la vitre ou poser la main pour faire disparaître l'autre. Et l'esprit ne sera apaisé qu'à cette seule issue, cet acte de barbarie qui chassera la mouche ... jusqu'à l'apparition inattendue et obsédante d'une de ses nouvelles incarnation. ![]() La mouche
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Nous pourrions peut-être essayer d'écrire comme la mouche vole, avec des mots qui prennent l'air et la lumière, des mots qui rebondissent, éclairent, dansent, des mots qui iraient plus loin que le regard.
Le Clézio, Mondo et autres histoires, Ed. Gallimard, cité par Brincourt, Vive les mouches!, LdP, page 61. Voyelles (Arthur Rimbaud) A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu: voyelles,Je dirai quelque jour vos naissances latentes: A, noir corset velu des mouches éclatantes Qui bombinent autour des puanteurs cruelles, Golfes d'ombre; E, candeurs des vapeurs et des tentes, U, cycles, vibrements divins des mers virides, O, Suprême Clairon plein des strideurs étranges, Ecrire! pouvoir écrire! cela signifie la longue rêverie devant la feuille blanche, griffonnage inconscient, les jeux de la plume qui tourne en rond autour d'une tache d'encre, qui mordille le mot imparfait, le hérisse de fléchettes, l'orne d'antennes, de pattes, jusqu'à ce qu'il perde sa figure lisible de mot, mué en insecte fantastique. (...)Une assemblée de signes, à partir d’un alphabet inventé et se formant mot à mot en une réserve d’émotions et de sens, c’est cela qu’on appelle un livre. L’homme – l’écrivain dans le cas d’espèce – se veut, assez mystérieusement, l’auteur d’un livre. Auteur ! Or un livre, outre les pattes de mouches qui l’inscrivent et qui, ailes de mouches, s’envoleront, est fait de la matière la plus vulnérable qui soit, papier mort avant que d’être né, objet de la convoitise barbare de tous les fléaux déchaînés:...Salah-Stétié, "Des lettres et des mouches," Essai. La mouche : manger est-il un plaisir universel ? Oui chez les hommes comme chez les animaux. Faire caca est-il un plaisir universel ? Oui chez les hommes comme chez les animaux. Maintenant, manger du caca est-il un plaisir universel ? Non chez l'homme, il faudrait être complètement moche ou mouche, (sauf exception de certains fous scatologiques pour le faire ou profondément humain en la souffrance). Oui pour la mouche qui mange le caca des hommes. Maintenant qui est le plus universel des deux : la mouche ou l'homme ? L'homme qui se dégoûte du plaisir universel de manger son caca, ou la mouche qui comble deux plaisirs universels à la fois, faire caca et manger du caca. Et alors, dans toute cette histoire scatologique et de gourmet, qui est le prince des Mouches ? Le rebus de l'humanité, le fou scatologique, ou la mouche princesse entre toutes les princesses puisqu'elle comble deux plaisirs à la fois, là où l'homme se dégoûte lui-même ? Tant qu'il y aura des mouches, croyons-le!Patrice Vareltzis unies vers selles ... La mouche n'a pas de forme humaine Battre la campagne morte raide Je la prends par l’aile elle ne se débat pas je la soulève dans l’air et la fait vire- volter comme un avion en papier ça craque un peu entre mes doigts ses noirs yeux je n’aime pas les mouches d’ailleurs quand j’étais enfant j’avais beaucoup de plaisir vraiment … à les tuer à les observer agoniser sous la flamme de mon briquet bleu fondre sans ailes ni pattes ni tête se débattre dans une toile tissée se noyer dans mon verre de coca ou écrasée à moitié Le vent souffle sur son cadavre On dirait Qu’elle veut s’envoler Je la regarde Elle tremble Je n’y suis pour rien Natahlie extrait de http://www.anima.be "La mouche" J'ai dans la bouche un oeil qu'une mouche a conquise. Et j'ai bouché les trous et les béances fortes. J'ai goûté tout le sang et les battements d'ailes. J'ai dans la bouche un fil tortionnaire d'une mouche. Et dans la contorsion, j'ai happé quelques cris. C'était d'elle que c'était les tremblements de voix. Comme si. Comme si c'était dans l'heure de la voir remourir. Mais dans mon âme obscure, je l'ai voulue cruelle. Je l'ai sauvée. Je l'ai bénie. C'était de ces moments que la grâce ébouriffe. J'étais fier de la voir saccager le silence. J'étais fier de l'avoir comme de ces incartades. Nature divine dans du sang et des ailes. Bête ployée sous les rais des lumières. Je n'avais pas compté les moments de paresse. Sous ma langue, dans mes plis. Et j'ai su qui j'étais quand, dans un moment de panique, je l'ai broyée quand même.Kang Byung-Ki |