Alexandre Poncelet
b.p. 25 1060 St-Gilles 2 (BELGIQUE)

< BIZOUM
L'association qui a pour objet la mesure du caractère performatif des mots

 

Les Dictionnaires Interactifs de Néologismes
suivi de La mesure de la valeur d'usage par Google

 


Exposé présenté le 4 octobre 2000, à la Maison de la Francité, devant l'Association Royale des Ecrivains de Wallonie.
"Par néologisme, je comprends le mot nouveau, le sens nouveau d'un vocable déjà existant, mais aussi l'emprunt (à une langue étrangère, ou à la langue spéciale d'un métier, d'un groupe social, etc.); j'y joins enfin les mots qui après avoir existé (...) sont morts et paraissent neufs quand ils renaissent de l'oubli." RIFFATERRE cité dans le DICTIONNAIRE DE LA LINGUISTIQUE, Georges Mounin, PUF, 1974, p. 229.

 

INTRODUCTION

Un nouveau mot, un nouveau monde : néologismes et internet.
Avec l'essor du grand réseau informatique, nous assistons à la floressence de néologismes. Outre les mots qui désignent simplement l'usage du réseau, comme site, courriel, serveur ou surfer, il y a pléthore de nouveaux noms de nouveaux sites, comme infogypt.com, belgattitude.com, nomad.com, chronicart.com, imagibus.com, caramail.com, etc. Les entrepreneurs de site cherchent à enregistrer un nom de domaine qui lui soit propre sur le réseau, facile à mémoriser, sonore et porteur de sens. Cette nécessité provient de ce que sur internet, l'adresse sert de nom et le nom sert d'adresse, c'est-à-dire qu'un seul mot détermine l'unicité du contenant. L'enregistrement de noms de domaines sous forme de mots existants connaît des limites, et le recours aux néologismes vient justement élargir le nombre d'identités possibles. Mais mon propos touche un autre point de convergence entre néologie et internet : c'est la facilité qu'offre ce dernier pour collecter, publier, consulter et annoter des propositions néologiques, ceci grâce à ses qualités d'automatisation, d'instantanéité et d'accessibilité mondiale. Nous allons voir deux exemples de Dictionnaires Interactifs de Néologismes sur internet: BALNEO initié par le RINT et DICTIONARY initié par Katrin Sigurdardottir. Il s'agit de deux bases de données alimentées par les utilisateurs et librement consultables.

 

BALNEO2

Adresse du site : http://www.uhb.fr/Langues/balneo/balneobis/fr.pl?langue=1 (!en construction)
Initiateur : le Réseau international de néologie et de terminologie, une organisation intergouvernementale francophone créée en 1986 à l'occasion du premier sommet de la Francophonie et orientée vers le développement terminologique et vers la coopération internationale en matière d'aménagement linguistique (http://www.rint.org). Le rint s'est aujourd'hui fondu dans le rifal : Le réseau International Francophone d'Aménagement Linguistique. Office québécois de la langue française - Secrétariat général du Rifal, Bureau de la présidente-directrice générale, - 125, rue Sherbrooke Ouest - Montréal (Québec) H2X 1X4 - Canada - Téléphone : - Télécopie : - Courriel :
Réalisation : André Le Meur, laboratoire CRAIE de l'Université de Rennes 2.
Nombre de mots encodés à la date du 13 juin 2002 : 1764 termes décrits par 1706 fiches (dont 10 sont annotées).
Présentation (sur le site du RINT): "Le système BALNEO, (...) a pour objectifs la collecte, l'échange et la diffusion rapides de matériaux terminologiques touchant plus particulièrement les néologismes, afin de rendre plus facile et plus efficace la mise à jour des dictionnaires terminologiques et les banques de terminologie." Contenu: BALNEO est une banque de données de fiches d'attestation de néologismes. Il s'agit de formulaires de 17 entrées possibles, à remplir sur le site, dont deux obligatoires : le terme et l'année de l'attestation. Les autres renseignements demandés sont:
- la langue (le site est rédigé en français mais accepte une centaine de langues différentes),
- la catégorie grammaticale,
- le caractère écrit ou oral du discours dans lequel apparaît le néologisme,
- le domaine dans lequel ranger l'attestation (par exemple : médecine),
- l'attestation (la phrase dans lequel est apparu effectivement le terme),
- la source de l'attestation,
- le caractère accepté, contesté ou non validé de la désignation,
- les références de la personne ou de l'organisme qui donne l'avis mentionné ci-dessus,
- le mot à l'origine du néologisme (inexistant dans les cas de création),
- le mode de formation du néologisme (par exemple emprunt, fusion, création,...),
- la forme alternative, si elle existe (par exemple une abréviation du terme),
- le comportement du terme dans ses contextes: une règle, un modèle ou un cas,
- le corrélat, s'il existe (désignation qui entretient un rapport systématique avec le néologisme traité),
- l'équivalent dans une autre langue,
- la proposition définitoire et tout autre information utile (par exemple l'auteur du néologisme, qui n'est pas obligatoirement le même que l'auteur de la fiche). Les fiches envoyées sont instantanément intégrées dans la banque de données.
Consultation : La consultation des fiches est libre. Elles sont consultables sur le site via une interface qui facilite les recherches par mot, par domaine, par auteur, par organisme, par date d'envoi, et même par auteur d'annotations. La base de données peut aussi se parcourir simplement, en suivant la liste alphabétique des mots qu'elle comprend. Elle peut ainsi servir de simple dictionnaire pour ceux qui sont confrontés à un mot nouveau qui, justement, ne se trouve pas au dictionnaire. Lorsque la recherche n'aboutira pas, l'utilisateur aura la possibilité de répertorier le terme non trouvé dans une base des lacunes. Une fois la lacune référencée, un utilisateur pourra, si elle relève de son domaine de compétence, intégrer la lacune à la banque des néologismes.
Rédaction : Pour rédiger une fiche ou pour annoter une fiche envoyée par quelqu'un d'autre, il faut être membre. Ceci se fait sur demande, soit directement au RIFAL, soit à l'administrateur du module national ou de l'organisme dont dépend le futur rédacteur. BALNEO compte 11 modules nationaux, 17 organismes et 193 rédacteurs. Les rédacteurs ont la possibilité de modifier ou de supprimer leurs fiches. Ils sont prévenus par courriel à chaque fois qu'un autre membre annote une de leurs fiches, et tous ceux qui ont annoté une fiche sont également prévenus lorsque son auteur la modifie, ceci permet les échanges privés entre utilisateurs du même néologisme. Deux fiches différentes peuvent concerner le même terme.
Les auteurs des fiches donnent le droit au Rint de l'utiliser de façon interne mais toute diffusion externe nécessite leur permission.
Le module Communauté française de Belgique du RINT est administré par Madame Martine Garsou, Service de la langue française, Ministère de la Culture et des Affaires Sociales, 44 Bd Léopold II, 1080 Bruxelles (tél. : 02/413-22-95, fax : 02/413-20-71, courriel : ).
Les organismes belges membres de ce module sont l'ISTI et MarieHaps qui possèdent tous deux une cellule spécialisée dans la terminologie et la néologie.
Nom d'utilisateur : membre
Mot de passe : terminologia
La question technique est résolue, contrairement à la question psychologique : il faudrait avoir le réflexe de recenser les néologismes rencontrés ici ou là pour les intégrer à la base.

 

DICTIONARY

Adresse du site : http://www.takesyou.to/dictionary
Initiatrice : Katrin Sigurdardottir
Réalisation : Hostsolutions
Nombre de mots encodés à la date du 13 juin 2002 : 641.
Présentation : "La langue est composée par ses utilisateurs. La banque de données d'une langue doit pouvoir être écrite activement par n'importe lequel de ses utilisateurs.
Ceci est le dictionnaire d'une langue qui n'existait pas jusqu'à ce qu'elle vienne au monde grâce à l'enregistrement de mots par les visiteurs de ce site. Tout le monde est invité à rentrer des mots et à utiliser le dictionnaire quand il veut. Il n'y aura pas de contrôle des entrées dans le dictionnaire: après la mise au point de la base de donnée, celui-ci est laissé à lui-même.
Les mots que vous ajoutez au dictionnaire, préexistants ou non, peuvent émaner de n'importe quelle langue. Les définitions peuvent se rapporter à des langues existantes ou être totalement fabriquées."
Contenu : Le site est présenté en anglais. Les données obligatoires lors de l'enregistrement d'un mot sur le site sont au nombre de quatre : le mot, sa prononciation, sa classe grammaticale ainsi que sa définition, et facultativement, le nom, le prénom et le courriel de l'auteur. L'entrée des mots dans la base de donnée se fait instantanément.
Consultation : La consultation est libre. Le moteur de recherche ne tourne que sur les mots (pas de recherche par auteur par exemple) et il y a possibilité de parcourir tout le dictionnaire alphabétiquement.
Rédaction : L'enregistrement des entrées est libre, tout qui visite le site peut encoder de nouveaux mots. Il n'y a pas de possibilité d'annotation directe d'une définition par un tiers, mais un mot peut être défini à plusieurs reprises par la même personne ou par des personnes différentes. Pour l'instant, il n'est pas possible de supprimer ou de modifier les données que vous avez envoyées.

 

MOTS NOUVEAUX

Adresse du site : http://www.motnouveau.net
Initiateurs :Eric Donfu et Vanina Michel
Présentation : De quoi s’agit-il ?
Du lancement d’un site Internet et d’un nouveau festival. XYZ… dédié au mot et au son nouveau, et programmé à Paris et au Havre, en novembre 2003. Ce rendez-vous commence aujourd’hui, par la mise en ligne du site interactif motnouveau.net qui permet,dès ce 21 novembre 2002 , de remplir un formulaire en ligne pour enregistrer et proposer son mot nouveau ou inventé. Ces mots enregistrés toute l’année seront ensuite récoltés, mis en musique, interprétés, commentés, dans ce rendez-vous studieux et festif, festival de fin d’automne, qui se déroulera chaque année la même semaine que la fête du beaujolais nouveau.Ce festival se réalisera dans un partenariat large réunissant des organismes publics,des collectivités locales, des établissements culturels, des médias, des universités, des écoles, des entreprises et des particuliers, dans l’ensemble des 70 pays et régions francophones du monde. Consultation : Libre, sans moteur de recherche. Possibilité de côter les proposition.
Rédaction : Libre (cliquez sur 'enregistrez votre mot') et automatisée, les renseignements demandés sont la phonétique, le genre, la racine et l'origine éventuelle, sa catégorie (usage courant, technique, poétique, ...), s'il s'agit d'un mot recueilli, inventé, transformé ou réedité et une définition.
Contact :
Eric Donfu Président du festival tél.
Vanina Michel Directrice artistique tél.
D.R.S. Dialogues et Relations Sociales
26 rue de Pontoise 75005 Paris tél. - fax.
Porte Océane 211 boulevard François 1er 76600 Le Havre

 

DICTIONNAIRE (thématique) DES IDENTITES CULTURELLES DE LA FRANCOPHONIE

Adresse du site : http://www.maisondelafrancite.be/francite/?page=lexique/base&rubrique=lexique
Initiateur :Paul Wijnands, RELIEF (réseau d'étude sur le lexique identitaire dans l'espace francophone) et La Maison de la Francité.
Présentation : Les vocables identitaires sont des énoncés performatif donnant existence à l'objet qu'il désigne par le fait même de les proférer. Ceux recensés ici appartiennent à deux registres parallèles : les uns sont des "appellatifs institués" légitimés par quelque instance politique; les autres sont des "appellatifs sauvages", souvent des néologismes absents de tout autre dictionnaire. Ils sont les révélateurs du processus génératif : quand le verbe crée les identités qui n'en sont pas encore. Nous avons dû nous contenter, dans cette première édition informatisée, de ne livrer qu'une citation pour chaque mot. Notre objectif d'aider à saisir les liens existant localement entre les différentes identités culturelles en circulation, superposées ou concurrentes, (endogènes / exogènes, indigènes / exotiques) dans une perspective évolutive où les identités d'hier ne sont pas celles de demain. Ainsi peut-être pourra-t-on mieux comprendre la lutte des cultures engagée aujourd'hui à l'échelle mondiale, et comment cette lutte prend corps dans le discours. (extrait du site)
Consultation : Libre, par ordre alphabétique.
Rédaction : Accessible à tous via un formulaire email, celui-ci vous demande la nature grammaticale du mot, une citation en contexte et sa source, le pays d'origine et vous laisse commenter votre envoi.
Contact :Maison de la Francité - 18, rue Joseph II - 1000 Bruxelles - tél. : +32 2 219 49 33 - fax : +32 2 219 67 37 -

 

CONCLUSION

Les deux dernières bases de données fonctionnent parfaitement. La publication immédiate de son envoi sur le site encourage l'utilisateur à encoder d'autres mots.
Notons que dans les deux cas traités, la possibilité d'encoder plusieurs entrées se référant au même terme permettrait à deux ou plusieurs personnes d'exprimer leur différence quant à la définition d'un mot. Le cas semble cependant rarement se produire. D'ailleurs sur Balneo la présence d'une définition est loin d'être systématique, même si l'attestation joue souvent ce rôle. Il arrive cependant, sur le site Dictionary, qu'une définition donne lieu à de nouvelles entrées de mots dérivés du premier.

Sans doute les utilisateurs de Balneo (scientifiques, linguistes, traducteurs,...) considèrent-ils la base de données comme un simple outil de travail terminologique. C'est d'ailleurs dans cette optique que le Rint la présente. La présentation du Dictionary relève lui aussi de sérieux principes, les mots et leurs définitions adjointes servent de moyen d'expression (parfois ludique). Malheureusement, le caractère consensuel de ces deux pratiques nuit peut-être aux mots eux-mêmes, contraints de jouer les guignols sur Dictionary et les sérieuse-neuze sur Balneo, alors qu'ils ne sont ni l'un, ni l'autre : "Les mots n'ont pas de caractère"1. Une grande diversité d'intervenants dans une même base de données: écoliers, lycéens, étudiants, professeurs, poètes, chansonniers, écrivains professionnels et amateurs, publicitaires, journalistes de la presse audiovisuelle et écrite, lecteurs et rédacteurs en tout genre, sans oublier nos amis scientifiques, ouvrirait plus largement le champ sémantique et l'audience de chaque mot, quitte à ce que celui-ci se recentre ensuite sur l'une ou l'autre définition donnée. Les débats porteraient sur le sens, la paternité et ses droits2, ainsi que sur la légitimité d'un usage plus ou mois autoritairement prôné. "Parce que la langue est le vecteur de l'information et du savoir, il est juste d'en offrir le contrôle au citoyen," recommande Jean-Marie Klinkenberg.
Ces échanges donneraient aux chercheuses et chercheurs en linguistique, un joli point de vue sur les productions de la langue, sa dynamique, ses surprises, ses rapports de forces, et les associations et négociations qui la manipulent.

 

PROPOSITION

Dans un proche avenir, je me propose de créer un portique sur internet : www.neologismes.com qui décrira succinctement les bases de données faisant office de Dictionnaires Interactifs de Néologismes et qui donnera accès à celles-ci. L'objectif consisterait à ce que le plus de visiteurs possibles, notamment des élèves du secondaire, enregistrent "leurs" néologismes sur le plus de sites possibles. D'autre part, rien ne s'oppose en théorie à ce que tous les mots enregistrés sur l'un des deux systèmes évoqués ci-dessus le soient sur l'autre et vice versa. Je pourrais m'employer à cette tâche. Ceci ne devrait normalement pas gêner le travail de terminologie effectué par les membres du Rint, vu la faculté d'accès aléatoire du système.

Public cible pour le dépôt des mots et de leurs définitions : poètes, écrivains, étudiants, journalistes, rédacteurs, … linguistes et autres scientifiques. Pour la consultation : le grand public.
La grande diversité des intervenants et par là celle de leur discours promet de très intéressants débats centrés sur le sens ou la paternité d'un mot. Le site donnera aux chercheuses et chercheurs en linguistique un intéressant point de vue sur les productions de la langue, sa dynamique, ses surprises, ses rapports de forces, et sur les associations et négociations qui la manipulent. Le caractère instantané d'internet est parfaitement adapté au projet, c'est le genre d'application qu'il ne serait tout bonnement pas possible de réaliser sans les avancées technologiques du réseau cybernétique.


___________________________
1 Siham Halab
2 Il n'existe pas de droits d'auteur sur les mots en Belgique.

 

 

 

Utilisation du moteur de recherche Google pour la mesure de la valeur d'usage d'un mot

L'usage est le souverain des langues." Vaugelas