The Hysterical Visionary Tour
Guy Montens
Coll. Maelström
Ed. Images d’Yvoires
3, rue de chevelipont
1490 Court-Saint-Etienne
+32 (0)71 88.73.75
198 pages
16 euros

Il fait froid, je préfère être dans le bus. Il faut bientôt en sortir, car il y a cérémonie. On se met en queue, coincés par Claudio qui nous fait entrer un par un avec obligation de prester serment de création, “pour l’avenir de nos enfants”, en criant bien fort, comme chez les scouts. Symboliquement, on donne nos vingt mille francs à ce moment. Cinéma: les artistes doivent payer. Certains y mettent un grain de sel,. D’autres ont froid et se demandent pourquoi ces simagrées. Puis on dévoile le Chef-d’Œuvre absolu de tous les temps: le phallus argenté qui sera notre bouchon de radiateur. C’est Thierry qui l’a fait, notre plasticien. (page 14)

Axel
Il fallait se douter que les choses ne pouvaient être si simples. On avait voulu violer une loi métaphysique d’équivalence et de balance, et voilà ! Comment croire qu’un voyage puisse coûter aussi peu cher, sinon qu’on s’aveugle volontairement ? Comment croire qu’une compagnie de bus normale eût un seul instant participé à cette folie ?
Il y a avait un prix à payer et ce prix s’appelait Axel, le conducteur-loueur du bus.
On aurait du paniquer quand Axel disait qu’il voulait prendre par l’Allemagne pour cette raison, cette vache raison que les Allemands ne savent pas lire le français et que c’était vachement nécessaire parce que ni lui ni l’engin n’avaient de papier en règle. Mais on s’est laissé faire, allant vers la catastrophe avec le sourire des bénis qui savent qu’à un moment ou à un autre, du puits de l’improbable même, une main va surgir pour tout remettre d’aplomb.
Pour l’instant, il sourit comme un enfant. (page 16)

Deux voitures nous suivent, dont une, immatriculée en Italie, nous longe et nous filme. Ce sont des membres de l’équipe qui vont ainsi leur chemin, emportant notamment Claire, la grande et belle Claire, qui attend tout mignonnement un petit. Il faut faire du spectacle pour les caméras. Claudio voudrait qu’on passe nos postérieurs par les baies. On se fait tire l’oreille. Il nous traite de bourgeois. La plupart refuse, en échange, on fait bien les pitres. Les images du bus seront la carte de visite de film. Important, ah,ah ! Durant le trajet, je ne comprends pas que la voiture italienne qui nous filme est de l’équipe. Je crois que ce sont d’autres filmeurs arrivés là par hasard, et qu’on est dans un de ces plans de média où les événementeurs s’entrefilment et s’entrinterviewent. Je les salue comme on salue des étrangers.
A un moment Axel pique du nez sur le volant, alors je lui verse le contenu d’une bouteille d’eau sur la tête. Je le fait pour le gag, très visiblement pour la caméra de cette voiture là-devant, qui filme le bus. J’ai peur de la réaction d’Axel, comme je ne le connais pas. Il me fait un charmant sourire. C’est notre premier contact.
Les heures passent. Le bruit du bus est intéressant: le moteur produit une trépidation permanente et un bruit, bas, certes, mais un peu trop haut quand même: il peine, il va sur ses limites. Et nous aura hypnotisé avant de mourir. La porte, qui se rabat à l'aide d'une poignée proche du conducteur, bat. L'air traverse par toutes les baies, horizontales, pas assez hautes pour des adultes. Le lave-glace doit être monté quand on en veut l'usage. Toutes les pièces semblent être mobiles. le bus se défait tellement qu'on en devient tous un peu mécaanos. J'imagine pour un dessin animé: on bougerait les pièces selon le décor désiré. (page 20)