Muriel Andrin
ELICIT
25 avril 2002

 

 

 

L’Eve virtuelle – les paradoxes de l’héroïne cybernétique

 

 

Final Fantasy-The Spirits Within, Hironobu Sakagushi, 2001

 

 

‘Maintenant, ajouta l’électricien, nous allons, puisque vous le désirez, examiner, d’une façon sérieuse l’organisme de la créature nouvelle, électro-humaine, - de cette EVE FUTURE, enfin, qui, aidée de la GENERATION ARTIFICI-ELLE (…), me paraît devoir combler les vœux secrets de notre espèce, avant un siècle’ 

Villiers de l’Isle-Adam, L’Eve Future (1900)

 

Se distinguant des cyborgs et des replicants, êtres aux corps reconstitués évoluant dans un univers virtuel, les cyberhéroïnes, d'eXistenZ à Avalon, d'Alien Resurrection à Lara Croft, envahissent nos écrans cinématographiques. Sujets d'étude pour les théoriciennes féministes qui s'interrogent sur la problématique identitaire et la confusion des 'genres' (gender), les cyberhéroïnes sont doubles. Elles s'inscrivent dans une lignée de représentations féminines mythifiées soulignant à présent leur pouvoir et la fascination qu'elles exercent. De plus, elles arborent des capacités intellectuelles et physiques dévolues jusque là à des héros masculins. Pourtant, il existe encore une résistance à cette prise de pouvoir qui empêche sa finalisation au sein de l'action. La cyberhéroïne est-elle donc réellement la réponse aux espoirs des théoriciennes féministes qui cherchent en elle la représentation qui leur permettra d'échapper à la dichotomie ancestrale homme/femme ?

 

Plan de la conférence

  1. Prologue : Le Cyberféminisme – ou la confusion des genres

    1.1. Héritage féministe

    1.2. L’avant-cyber : Judith Butler et le gender blurring

    1.3. Rosi Braidotti : post-human bodies & embodiment

    1.4. Donna Haraway : l’espoir du cyborg

  2. Cyberhéroïnes/Cyborgs/Replicants : les pourtours d’une définition

    Extraits : Ghost in the Shell (Mamoru Oshii, 1995)

    The 5th Element (Luc Besson, 1997)

  3. Historique, héritage et continuité

    Extraits : Thomas est amoureux (Pierre-Paul Renders, 2000)

    Metropolis (Fritz Lang, 1926)

  4. Les cyberhéroïnes ou le règne des nouvelles déesses

    Extraits : The Cell (Tarsem Singh, 2000)

    Alien Resurrection (Jean-Pierre Jeunet, 1997)

  5. Le pouvoir sans le pouvoir : le point de vue scénaristique

    Extraits : The Matrix (Andy & Larry Wachowski, 1999)

    Final Fantasy – The Spirits Within (Hironobu Sakagushi, 2001)

    ExistenZ (David Cronenberg, 1999)

    The Cell (Tarsem Singh, 2000)

    The Matrix (Andy & Larry Wachowski, 1999)

  6. Epilogue : Le futur de l’Eve virtuelle

 

Filmographie

Alien Resurrection
(USA, 1997)
Réalisation : Jean-Pierre Jeunet / Scenario : Joss Whedon d’après des personnages de Dan O’Bannon & Ronald Shusett / Directeur de la photographie : Darius Khondji / Effets visuels : Pitof & Erik Henry / Montage : Hervé Schneid / Directeur artistique : Andrew Neskorommy/ Musique : John Frizzell/ Distributeur : 20th Century Fox / Producteurs : Bill Badalato, Gordon Carroll, David Giler, Walter Hill / Durée : 109 mns

Interprètes : Sigourney Weaver (Ripley), Winona Ryder (Call), Dominique Pinon (Vriess), Ron Perlman (Johner), Gary Dourdan (Christie), Michael Wincott (Elgyn), Kim Flowers (Hillard), Dan Hedaya (Général Perez), J.E. Freeman (Docteur Wren), Brad Dourif (Gediman), Raymond Cruz (Distephano), Leland Orser (Purvis).

Synopsis : Sur le vaisseau spatial The Auriga, deux cent ans après avoir s’être suicidée parce qu’elle portait l’embryon de l’alien mère, Ellen Ripley est clônée par des scientifiques qui veulent élever et étudier les intelligences supérieures que sont les aliens ; ils se servent de Ripley comme d’une mère porteuse. Le vaisseau pirate Betty, dirigé par Elgyn, leur apporte de quoi incuber les œufs : une cargaison de corps humains congelés de façon cryogénique. Call, un des membres de l’équipage du Betty, est en réalité une révolutionnaire dont l’ambition est de tuer Ripley. Mais elle découvre que l’embryon alien lui a déjà été retiré ; les aliens se libèrent de leurs cages en tuant l’un des leurs dont le sang attaque les parois et leur permet de s’échapper.

Avalon
(Japon/Pologne, 2001)
Réalisation : Mamoru Oshii / Directeur artistique : Barbara Nowak / Musique : Kenji Kawai / Photo : Grzegorz Kedzierski / Effets spéciaux : Nobuaki Koga / Costumes : Magdalena Testawska / Production : Bandaï Visual Co Ltd / Producteurs exécutifs : Shigeru Watanabe, Tetsu Kayama, Toru Shiobara, Naoyuki Sakagami / Durée : 108 mns.

Interprètes : Malgorzata Foremniak (Ash), Wladyslaw Kowalski (Game Master), Daruysz Baskupski (Evêque), Jerzy Gudejko (Murphy).

Synopsis : Comme à peu près toute la population du pays, Ash est une joueuse invétérée d’Avalon, le jeu vidéo le plus populaire du moment, interdit par le gouvernement. L’industrie du jeu vidéo a en effet évolué et l’interaction avec les univers virtuels est devenue telle que les interfaces ont complètement disparu : les joeurs sont directement plongés dans le jeu. Dans le cas d’Avalon, situé dans une ambiance de guerre civile, le réalisme est tellement poussé que le perdant, quand il n’a pas la chance d’être tué sur le coup, se retrouve paralysé dans un hôpital délabré mais bien réel. Solitaire et farouche, Ash, connue sous le nom de " noble soldat " dans le jeu, consacre sa vie à cette réalité alternative. Ayant accédé au dernier niveau du jeu, elle cherche les Neufs Sœurs, la ‘clé’ pour atteindre le niveau légendaire : la " classe réelle ", l’île où l’âme des héros disparus trouve le repos.

The Cell
(USA/Germany, 2000)
Réalisation : Tarsem Singh / Scénario : Mark Protosevich / Photographie : Paul Laufer / Directeur artistique : Michael Manson / Costumes : Eiko Ishioka & April Napier / Montage : Paul Rubell & Robert Duffy / Musique : Howard Shore / Production : Julio Caro & Eric Mcloed / Durée : 109 mn

Interprétation : Jennifer Lopez (Catherine Deane), Vince Vaughn (Agent Peter Novak), Vincent D’Onofrio (Carl Stargher), Marianne Jean-Baptiste (Dr Miriam Kent), Jake Weber (Agent Gordon Ramsey), Dylan Baker (Henry West)

Synopsis : Catherine Deane, psychothérapiste, est employée au Centre Cambell pour expérimenter un nouveau traitement qui lui permet d’entrer dans l’inconscient de patients catatoniques. La technique, qui fait usage de drogues et d’un costume cybernétique, est utilisée sur un petit garçon dans le coma, Edward, qui n’a, jusqu’à présent, montré aucun signe de guérison. Au même moment, un serial killer psychotique, Carl Stargher, est victime d’un breakdown cérébral irréversible juste avant son arrestation par le FBI ; il tombe dans le coma. Mais sa dernière victime est toujours emprisonnée dans un cellule secrète dont seul Stargher connaît l’emplacement et qui se remplit progressivement d’eau selon un système automatique. Le FBI demande à l’équipe de Deane d’intervenir et à Catherine d’entrer dans l’inconscient de Stargher pour y trouver des informations sur l’emplacement de la cellule.

eXistenZ
(Canada, 1999)
Réalisation & Scénario : David Cronenberg / Musique : Howard Shore / Photographie : Peter Suschitzky / Montage : Robert Sanders / Directeur artistique : Tamara Deverell / Costumes : Denise Cronenberg / Producteurs : David Cronenberg, Andras Hamari, Robert Lantos / Distributeur : Alliance Atlantis Communications

Interprètes : Jennifer Jason Leigh (Allegra Galler), Jude Law (Ted Pikul), Ian Holm (Kiri Vinokur), Willem Dafoe (Gas), Don McKellar (Yevgeny Nourish), Callum Keith Rennie (Hugo Corlaw), Christopher Ecclestone (Levi), Sarah Polley (Merle).

Synopsis : Allegra Galler, une designer de jeu mondialement reconnue, est invitée à tester son nouveau jeu virtuel, eXistenZ, avec un groupe test. Dès le début du jeu, elle est attaquée par un assassin fanatique qui utilise une étrange arme organique contre elle. Allegra s’échappe avec Ted Pikul, un des organisateurs de la rencontre, qui est soudain désigné pour être son garde du corps. Malheureusement, le " pod " d’Allegra (le gae device organique) qui contient la seule copie du programme de jeu eXistenZ est endommagé. Pour voir à quel point le jeu est affecté, Allegra doit le jouer avec un joueur ‘ami’ ; elle demande à Pikul qui doit, pour jouer avec elle, se faire incruster une bioport – une ‘entrée’ directement située sur la colonne vertébrale du joueur.

Final Fantasy – The Spirits Within
(USA/Japon, 2001) Réalisation : Hironobu Sakagushi (& Moto Sakakibara) / Scénario : Al Reinart & Jeff Vintar d’après l’histoire Hironobu Sakagushi / Musique : Elliot Goldenthal / Photographie : Moto Sakakibara / Montage : Christophe S. Capp / Créateur des personnages originaux : Shuko Murase / Production : Jun Aida, Chris Lee, Akio Sakai

Voix : Ming-Na (Dr Aki Ross), Alec Baldwin (Captain Gray Edwards), Ving Rhames (Sergent Ryan Whitaker), Steve Buscemi (Technician Neil Fleming), Donald Sutherland (Doctor Sid), James Woods (Général Hein).

Synopsis : 2065. La Terre est infestée d’esprits extraterrestres et l’humanité est menacée d’extinction. Guidée par un rêve étrange et par les conseils du Dr Sid, son mentor, la scientifique Aki Ross tente de réunir les huits esprits susceptibles de libérer une force suffisamment pure et puissante pour éradiquer toute présence extraterrestre et protéger la planète. Assistée par les membres de l’escadron Deep Eyes, Aki n’aura de cesse de débarrasser la Terre de la haine qui l’habite et libérer " The final fantasy ". Basé sur un jeu vidéo vendu à 33 millions d’exemplaires.

Ghost in the Shell
(Japon, 1995)
Réalisation : Mamoru Oshii / Scénario : Kazunori Ito d’après le manga de Masamune Shirow / Directeur d’animation : Toshihiko Nishikubo / Superviseurs d’animation : Kazuchika Kise, Hiroyuki Okiura / Directeur aristique : Hiroshima Ogura / Musique : Kenji Kawai / Production : Kodansha en association avec Bandai Visual & Manga Entertainment / Producteurs exécutifs : Teruo Miyahara, Shigeru Watanabe, Andy Frain

Synopsis : Dans un monde pris dans la surcharge des réseaux de communication, où l’intelligence artificielle vaut plus que le réel et où les policiers cyborgs passent leurs vies à surfer sur une mer éléctronique de data vivant, seul le Fantôme (Ghost) – l’élément indéfinissable de la conscience humaine – existe pour déterminer qui est vivant et qui est une pure création du Net. Le major Motoko Kusanagi est un officier élite de l’Escadron Shell, la section 9 de la force de sécurité : un agent cybernétique si intensément modifié qu’il lui reste un peu plus que son fantôme. Avec son collègue cyborg Bateau et le presque humain Togusa, Kusagani est lancée sur la trace d’un criminel informatique connu sous le nom de Puppet Master, un hacker asser doué pour entrer dans l’esprit des ses victimes. Ses marionnettes humaines vivent des existences qui ne sont pas plus que des fantasmes générées par ordinateur, commettant involontairement les crimes de leur maître pendant que celui-ci se cache dans l’ombre. Mais pendant l’enquête, Kusagani découvre que le Puppet Master a un intérêt particulier pour elle

The Matrix
(USA, 1999)
Réalisation : Andy & Larry Wachowski / Scénario : Andy & Larry Wachowski / Photographie : Bill Pope / Musique : Don Davis / Production Joel Silver / Distribution : Warner Bros. / Durée : 135 mns.

Interprètes : Keanu Reeves (Thomas Anderson/Neo), Laurence Fishburne (Morpheus), Carrie-Anne Moss (Trinity), Hugo Weaving (l’agent Smith), Gloria Foster (l’Oracle), Joe Pantoliano (Cypher), Marcus Chong (Tank).

Synopsis : 2070. Programmateur dans un service administratif, Thomas Anderson se transforme, la nuit, en pirate informatique sous le nom de Néo, inventant ses propres programmes et semant des virus dans des circuits officiels. Contacté par Morpheus et son équipe, Néo découvre qu’en réalité il vit dans la " matrice ", une reproduction du 20ème siècle créée de toutes pièces par des machines qui asservissent ainsi les humains pour se nourrir de leurs énergies et dominer le monde ‘réel’. Persuadé que Néo est celui qui pourra vaincre ces intelligences artificielles malfaisantes, Morpheus le convainc de se battre pour libérer l’humanité.

Metropolis
(Japon, 2001)
Réalisateur : Rin Tarô / Scénario : Katsuhiro Otomo d’après le comics de Osamu Tezuka / Musique : Toshiyuki Honda / Direction artistique : Shuichi Hirata / Son : Masafumi Mima / Effets visuels : Shuichi Hirata & Tsuneo Maeda / Design des personnages : Yasuhiro Nakura / Durée : 107 mns

Synopsis : Metropolis est une ville-Etat du futur, peuplée d’humains et de robots, segmentés en castes. Au milieu du chaos créé par les fractions anti-robots, le détective Shunsaku Ban et son adjoint Ken-ichi ont pour mission de retrouver le Dr Laughton, un scientifique rebelle qui aurait créé de toutes pièces une ravissante androïde, Tima. Quand ils retrouvent sa piste, Shunsaku découvre que le scientifique bénéficie de protections haut placées ; la science et la technique servent avant tout le pouvoir en place.

 

Autres films mentionnés pendant la conférence

Batman Returns (Tim Burton, 1992) Blade Runner (Ridley Scott, 1982) Demon Seed (Donald Cammen, 1977) The Fifth Element (Luc Besson, 1997) Lara Croft –Tomb Raider (Simon West, 2001) Metropolis (Fritz Lang, 1926) Resident Evil (Paul Anderson, 2002) Thomas est amoureux (Pierre-Paul Renders, 2000) Who’s afraid of Roger Rabbit ? (Robert Zemeckis, 1988)

 

Bibliographie sélective

Textes théoriques

Rosi Braidotti

" Cyberfeminism with a Difference "

(online sur http://www.let.ruu.nl/women_studies/rosi/cyberfem.htm). Sa traduction " Le cyberféminisme, différemment " est disponible dans la publication Cyberféminisme, Bruxelles : constant vzw, 2001.

Judith Butler

Bodies That Matter : On the Discursive Limits of Sex, New York : Routledge, 1993.

Barbara Creed

The Monstruous Feminine – Film, Feminism, Psychoanalysis, London : Routledge, 1993.

Mary Ann Doane

"Technophilia : Technology, Representation, and the Feminine "

Donna Haraway

" A Cyborg Manifesto : Science, Technology and Socialist-Feminism in the Late Twentieth Century " dans Simians, Cyborgs and Women : The Reinvention of Nature (London : Free Association Books ou New York : Routledge, 1991). Pour la traduction française (partielle), cfr. la publication Cyberféminisme, Bruxelles : constant vzw, 2001.

Gill Kirkups, Linda James, Kath Woodward, Fiona Havender

The Gendered Cyborg : A Reader, New York : Routledge, 2000

Laura Mulvey

" Visual Pleasure and Narrative Cinema " dans Screen, vol. 16, n°3, Autumn 1975.

George Sturm

" L’ombre d’un doute ou la maman et la putain. Sur les figures féminines dans Metropolis " dans Les Cahiers de la Cinémathèque, n°44, 1986.

J.P. Telotte

" Human, Artifice and the Science Fiction Film " dans Film Quaterly vol.26, n°3, Spring 1983.

Littérature

Villiers de L’Isle-Adam

L’Eve Future (1900)

Jules Verne

Le château des Carpates (1899)

 

Informations supplémentaires

http://www.nuages.org

http://www.constantvzw.com/vj6 (Programme Verbindingen/Jonctions 6)

ou par e-mail :

Cette page a été réalisée avec l'aide précieuse d'Alexandre Poncelet, https://bizoum.com

 

 

Alien Resurrection, Jean-Pierre Jeunet, 1997

 

eXistenZ, David Cronenberg, 1999